2007

Le monde: "Le rêve roumain de la jeunesse moldave"



 
 
    Un appartement modeste rue de l'Académie, dans le centre de Bucarest. Un petit bureau, quelques ordinateurs et une poignée de jeunes Moldaves et Roumains rassemblés autour d'une idée : militer pour la réunification de leurs pays. « Ici, personne ne chôme », assure Vitalie Prisacaru, un jeune de 21 ans qui a quitté Chisinau, la capitale moldave, pour venir faire ses études en sciences politiques à Bucarest. Le 20 octobre, ils avaient réussi à rassembler près de 10 000 manifestants au cœur de Bucarest. « Je suis moldave et j'ai déjà obtenu le passeport roumain, qui fait que je me sens européen », explique Vitalie.  
 
Selon l'Autorité nationale pour la citoyenneté, plus de 350 000 passeports roumains ont été délivrés à des Moldaves. L'opération a démarré en 2009 sous l'impulsion du président roumain Traian Basescu, qui a toujours plaidé pour l'intégration européenne de la Moldavie. En avril 2009, après la répression d'une manifestation anticommuniste menée par des jeunes Moldaves à Chisinau, une coalition proeuropéenne avait pris les rênes du pays. La Roumanie avait aussitôt encouragé cet élan. « Ces jeunes voulaient faire disparaître l'héritage de l'URSS,affirme Dan Dungaciu, directeur de l'Institut des sciences politiques de Bucarest.Pour y échapper, il n'y a pas de meilleure solution que l'Union européenne. »
 
A l'origine territoire roumain, la Moldavie a été annexée par l'Union soviétique après la seconde guerre mondiale. Devenue indépendante en 1991 après la chute de l'URSS, elle cherche, depuis, son identité. Sur les 4 millions de Moldaves, deux tiers sont roumanophones et un tiers russophones. L'idée d'une réunification avec la mère patrie, la Roumanie voisine, n'a jamais figuré sur le calendrier politiquedes autorités moldaves, mais l'adhésion de Bucarest à l'Union européenne (UE) en 2007 a changé la donne. Des dizaines de milliers de jeunes Moldaves sont venus faire leurs études en Roumanie, qui leur propose 5 000 bourses d'études par an. « On parle la même langue, et il y a un je-ne-sais-quoi qui fait que je me sens comme à la maison en Roumanie, assure Vitalie. Pour moi, il n'y a pas deux pays, mais deux Etats qui formeront un jour un seul pays. »
 
L'UE, « ESPACE DE SOLIDARITÉ »
 
Le 28 novembre, la Moldavie a signé à Vilnius, la capitale lituanienne, un accord d'association avec l'UE. Le pays étant le plus avancé sur la voie des réformes, la Commission européenne annonçait vendredi 15 novembre qu'une proposition législative serait faite pour supprimer l'obligation de visa pour les ressortissants moldaves.
 
Le désir des Moldaves d'intégrer l'UE a accentué la frilosité de la Russie à l'égard de Chisinau. Pour les décourager, Moscou a interdit le 11 septembre l'importation de vins moldaves, une des principales richesses du pays. Deux semaines plus tard, le commissaire européen chargé de l'agriculture, le roumain Dacian Ciolos, militait pour l'ouverture du marché européen au vin moldave. « Une ouverture complète du marché de l'UE pour les vins moldaves à un moment où les agriculteurs moldaves sont en difficulté reflète le fait que, au-delà d'un projet d'intégration économique très réussi, l'UE est aussi un espace de solidarité », a-t-il déclaré le 25 septembre.
 
 
 
La Russie dispose encore de leviers pour faire pression sur ses anciens satellites qui se tournent vers l'UE, en particulier le gaz. A cet égard, la Roumanie est intervenue en commençant la construction d'un gazoduc qui reliera la ville roumaine de Iasi, située dans le nord-est du pays, et la ville moldave d'Ungheni. Un projet que Bruxelles a financé à hauteur de 7 millions d'euros. « Le projet qui vaassurer le transport du gaz de Roumanie jusqu'à Chisinau est la première étape de l'intégration de la Moldavie dans l'UE », affirmait José Manuel Barroso le 15 novembre. Encouragés par cette ouverture, les jeunes Moldaves entendent mettreencore plus de pression sur les autorités moldaves et roumaines en vue d'une réunification au sein de l'UE. Vitalie Prisacaru et ses amis ont déjà obtenu 117 000 signatures en Roumanie pour soumettre au Parlement de Bucarest un projet de loi visant à renforcer les relations entre Bucarest et Chisinau. « Nous allons y arriver, assure le jeune étudiant. On y arrive toujours quand on milite pour une cause juste. »

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